mardi 22 juin 2010

Un bicentenaire plein de surprise























































Pour mieux connaître le Chili, y réaliser son année d’échange en 2010 était un bon calcul. En effet, 2010, dans ce long pays du bout du monde, comme dans nombre de pays d’Amérique du Sud, est l’année du bicentenario, bicentenaire du début de l’indépendance, du début de la liberté, de la naissance de la nation. Tous les ans, cette date est célébrée le 18 septembre, jour de la fête nationale. Très importante chaque année (un Chilien m’a même demandé quel jour célébrions-nous notre indépendance en France), la célébration de l’indépendance en cette année 2010 avait donc déjà pris une couleur particulière. Dès 2009, le mot « bicentenario » était sur toutes les lèvres. L’ancien président de la République Ricardo Lagos avait ainsi déclaré que le Bicentenaire était « L’occasion de dédier la décennie 2000-2010 à réfléchir ensemble à la trajectoire historique du Chili, mais aussi à imaginer son futur ».

Imaginer son futur, se fixer de nouveaux objectifs…Presque comme une coïncidence, l’élection présidentielle était programmée pour cette même année 2010. Une raison de plus pour venir au Chili cette année pour quelqu’un s’intéressant à ce pays qui, traumatisé par la dictature, mais aussi économiquement et socialement à part sur le continent, cherche décidemment son identité.

Mais, si je savais en partant que 2010 serait une année importante pour le Chili, il était impossible d’imaginer à quel point ce serait une année si riche en émotions pour ce pays coincé entre les Andes et le Pacifique.

L’année commence fort : le 17 janvier 2010, Sebastian Piñera, businessman milliardaire, est élu à la présidence de la République. Pour la première fois depuis le départ de Pinochet en 1990, la droite revient à la tête de l’Etat et le président n’est plus un élu de la Concertacion, la coalition des partis du centre, formée en 1988 à l’occasion du référendum sur le maintien de Pinochet au pouvoir.

Un peu plus d’un mois après, le 27 février, un séisme de magnitude de 8,8 frappe le Chili. Bilan : un tsunami, 521 morts, 2 millions de sinistrés, et l’axe de la terre décalé de 8 centimètres. Joyeux anniversaire ! Si le gouvernement de Bachelet a tardé à réagir et que le gouvernement de Piñera, investi le jour d’une puissante réplique, n’a pas toujours été à la hauteur du drame, la société civile, et les étudiants en premier, a fait preuve d’une grande solidarité, allant prêter main forte dans le Sud. L’image, prise sur le vif par un journaliste mais rapidement devenue symbole, d’un homme portant fièrement le drapeau lacéré sorti des décombres, est restée gravée dans les mémoires, et, petit à petit, ce drapeau est apparu partout, tel un jour de fête national, souvent accompagné d’un « Fuerza Chile ». Epris d’une incroyable vague de sentiment national, les Chiliens, dont 30% déclaraient en 2001 qu’il était « impossible de définir ce que signifie être Chilien», semblaient, dans le malheur, le découvrir enfin.

Une des surprises du bicentenaire, c’est aussi la qualification du Chili au Mundial, événement qui n’avait pas eu lieu depuis 98 et à ne pas négliger quand on connait l’importance de ce sport en Amérique du Sud. Au Chili, où l’appartenance à une équipe nationale définit vos valeurs, la vie s’arrête et tout le monde retient son souffle à chaque match du Chili sur la scène internationale. Des écrans géants ont été installés dans toutes les salles de réunions, les salles de classe se ferment, les rues sont désertes et silencieuses, et c’est à se demander si les médecins ne s’arrêtent pas de travailler eux aussi. Aujourd’hui, dans le centre de Santiago, lorsqu’une masse blanche, rouge et étoilée de bleu inondait la Plaza Italia pour célébrer la victoire du Chili contre la Suisse, un jeune chilien m’a montré le drapeau qu’il portait, tout abimé, sur le dos, et m’a dit « Ce drapeau, on l’a repêché à Dichato, une des villes particulièrement sinistrée, après le tsunami». Le Chili n’a sans doute jamais autant exhibé son drapeau que cette année…

Au même moment, le président Piñera célébrait la victoire du Chili à Constitución, épicentre du tremblement de terre. Il venait d’y voir le match avec les habitants, sous un chapiteau de cirque…Comme à Rome, les chiliens ne demanderaient-ils que « du pain et des jeux ? ». Piñera, qui l’a bien compris, est sans doute le chilien le plus heureux de l’enchainement de victoires de « La Roja ». Rien de tel qu’une coupe du monde pour que chacun oublie ses petits malheurs : des antennes paraboliques ont été mises sur les préfabriqués, et personne ne se scandalise de l’augmentation des tarifs du métro.

Sans aucun doute, 2010 est pour le Chili le moment ou jamais pour, enfin, définir une identité collective. Les Chiliens sauront t-ils saisir cette opportunité?

5 commentaires:

  1. Super article, belle écriture et synthèse parfaite de l'année ; ma fille je suis fier de toi !

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  2. Reste plus pour la Roja qu'a battre l'Espagne;un petit match nul pourrait suffire.Aprés Science Po,L'Equipe!!!Tu pourras leur apprendre "I will survive"!

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  3. très bel article, en effet!félicitations ma chère Marion, on assiste à la naissance d'une pro!

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  4. bien reçu ta jolie carte,
    MERCI
    tt va bienà Damazan
    bizz

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  5. Merci pour ton article, Marion.
    Quant à l'identité des Chiliens, les années de dictature l'ont sûrement mise à rude épreuve, mais elle en ressortira consolidée.
    Patricio.

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